Nous sommes fin septembre 2001 : la bronchite que je traîne
depuis quelques semaines ne guérit pas malgré le traitement que m’a
prescrit le médecin traitant, et je suis de plus en plus fatiguée,
pour de moins en moins d’efforts. Situation qui m’exaspère !
Cela fait plusieurs fois que je me fais peur en manquant de souffle
sans raison apparente : simplement à monter l’escalier de la maison
par exemple, ou à me rendre à la boulangerie au bout de la rue, et
en revenir au ralenti, épuisée !
J’ai 41 ans, et ma fille, âgée de 2 ans ½, pèse à peine 13kg…
pourtant, ce matin là, je ne peux plus la porter dans mes bras, je
suis trop essoufflée !
Mon inquiétude tourne vite à l’angoisse. Quelque chose n’est pas
normal, je le sens.
J’appelle un médecin de la commune voisine, lui décrivant brièvement
mon état, et il me reçoit dans l’heure.
L’auscultation est précise, et la décision tout autant !
« Je vous fais hospitaliser ».
Question stupide de ma part : « Aujourd’hui ? »
Réponse catégorique du médecin : « Aujourd’hui, et même tout de
suite ! »
Je tente une question toute aussi stupide que la précédente : « Cela
ne peut pas attendre demain ? »
Réponse immédiate : « Demain, vous serez peut-être morte. Vous êtes
en détresse respiratoire, il y a urgence ».
Exceptionnellement, mon mari m’avait accompagnée, je ne me sentais
pas capable de conduire (je précise qu’il attendait dans la
voiture).
Tel un boxeur recevant l’uppercut qui l’envoie au tapis, je sors du
cabinet médical abasourdie : bien sûr, je ne me sens pas bien, mais
à présent, en plus, j’ai peur !
Tant bien que mal, je prépare quelques affaires, écris des
recommandations pour que mon mari s’occupe de ma fille, et j’appelle
l’ambulancier. Tout ceci me prend un temps fou, car je fais tout au
ralenti, trop fatiguée. Je fais aussi quelques pauses pour fumer
…mes bonnes vieilles gitanes sans filtre, amies fidèles depuis 27
ans.
A 15h00, le V.S.L. arrive : en route pour le C.H.U. de Nantes.
Pendant que l’ambulancier se rend à l’accueil pour faire mon dossier
d’admission, je reste à l’extérieur, appuyée contre un poteau du
bâtiment, et là, je sors ma gitane et mon briquet, et je fume
jusqu’au bout cette cigarette que je n’apprécie pas
particulièrement, mais que je devine être la dernière pour moi.
Je suis vraiment très mal : les quintes de toux sont quasi
permanentes. |
Après quelques heures passées aux urgences, je suis transportée à
l’hôpital Laënnec, où je passe ma première nuit branchée de toute part. Le
lendemain matin, je déménage au 3ème étage, en pneumologie.
Je fais vite
la connaissance du Docteur Laurent Cellerin.
J’ai eu, avant son passage dans ma chambre, une radio pulmonaire.
Inquiète, je lui demande si j’ai un cancer des poumons.
Avec un calme olympien, il me dit : « Non, rassurez-vous, il n’y a pas de
cancer. Si vous continuez à fumer, vous n’aurez pas le temps de développer
un cancer, vous mourrez étouffée avant. »
Aujourd’hui encore, quand il m’arrive d’avoir envie de fumer, cette phrase
raisonne dans mes oreilles, bien plus efficace que n’importe quelle
campagne de prévention.
J’ai écourté mon hospitalisation, ma fille me manquait trop : sans elle,
je ne sais pas si j’aurais trouvé le courage d’arrêter le tabac.
Rien que parce qu’arrêter de fumer est extrêmement difficile, je n’ai
aucune envie de reprendre !Malgré tout, il m’arrive de m’approcher de fumeurs juste pour humer très
brièvement le poison qui s’échappe à travers la fumée !
Voilà comment j’ai fait connaissance avec le milieu de la pneumologie!
Depuis, j’ai un peu approfondi mes connaissances sur des termes comme
BPCO, emphysème, broncho-dilatateur, E.F.R, et tout ce langage bien
spécifique et familier aux malades des voies respiratoires.
Dix ans après, j’ai appris à vivre avec, comme on dit, même si la
difficulté à gérer ce souffle
reste ma principale préoccupation.
Ma capacité respiratoire continue à baisser, mais je respire, et voilà
bien là l’essentiel !
Certains puisent leur force dans le sport, la religion, la politique, la
littérature, etc.
Ma force, c’est ma fille, et mon projet professionnel dans lequel je ne me
serais pas lancée sans elle.
J’ai une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, mais pour
l’instant, ce document se trouve au fond d’un tiroir, et j’espère ne pas
le sortir de si tôt !
Pendant mes stages d’aide-soignante, je ne dévoile pas mon « handicap » à
l’équipe (sauf à la cadre de santé). Lorsque je vois le sourire de la
personne que je viens de prendre en soin, je peux vous assurer qu’il n’y a
pas plus belle récompense, plus belle reconnaissance !
Je ne porte pas ma maladie comme un fardeau, mais comme une chance inouïe
de pouvoir, malgré elle, et avec elle, suivre cette formation pour exercer
ce métier que j’adore !
F.C. février 2011
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